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L'OUEST CANADIEN


LES ATTENTES

Avant la Confédération, c'est-à-dire avant 1867, les premiers explorateurs décrivaient l'Ouest comme un lieu aride et inhospitalier, même si ses riches ressources naturelles étaient utilisées par les Premières Nations depuis des siècles.

 

Pour que la colonisation européenne devienne possible, il fallait que cette image négative soit modifiée et que l'Ouest soit perçu comme un environnement plus accueillant.

Les premières tentatives des Européens pour comprendre la géographie du vaste territoire de l'Ouest canadien sont souvent mal conçues et lacunaires. L'isolement de la région par rapport à l'Europe et les problèmes à surmonter pour l'atteindre en traversant le Bouclier canadien ralentissent son intégration au continent européen pendant plusieurs centaines d'années.

Les premiers Européens à s'aventurer à l'intérieur de l'Ouest canadien le font à partir du nord, par la baie d'Hudson. Leur quête est d'abord centrée sur l'insaisissable passage du Nord-Ouest, la légendaire voie navigable qui, espèrent-ils, les conduira aux richesses de l'Orient.

Ces intrus européens découvrent plutôt par hasard la lucrative traite des fourrures et, le 2 mai 1670, le roi Charles II accorde au « gouverneur et à la compagnie des aventuriers d'Angleterre faisant le commerce dans la baie d'Hudson » (aujourd'hui la Compagnie de la Baie d'Hudson) des droits exclusifs sur cette ressource naturelle. Le cousin du roi, le prince Rupert, devient gouverneur de la compagnie et on appelle Terre de Rupert les 7,7 millions de kilomètres carrés dont lui et ses amis sont nommés les « seigneurs et propriétaires véritables et absolus ».

Pendant près de 200 ans, la traite des fourrures entre les Premières Nations et les Européens est l'activité commerciale dominante sur la Terre de Rupert et façonne en bonne partie la perception qu'a le monde extérieur de cette région : une vaste étendue inhospitalière. « Ces grandes plaines, écrit le négociant en fourrures David Thompson, semblent avoir été données depuis toujours par la Providence aux Peaux-Rouges, comme les déserts sauvages d'Afrique l'ont été aux Arabes. » Cette image se révèle bien utile à la Compagnie de la Baie d'Hudson. Elle contribue à limiter le peuplement de la Terre de Rupert et permet aux négociants de s'adonner à leur commerce à l'abri des influences de la « civilisation ». Des intérêts aussi étroits et la diminution des ressources disponibles amènent finalement les diverses cultures qui cohabitent sur la Terre de Rupert à entrer en conflit.

Alarmé par l'accroissement rapide de l'autorité des Américains sur tout le continent au milieu du dix-neuvième siècle, le Canada-Ouest (aujourd'hui l'Ontario) se met à considérer la Terre de Rupert comme un moyen d'assurer des liens avec les colonies britanniques de la côte ouest et de construire son propre empire économique. Disposant de peu de renseignements détaillés sur la géographie de l'Ouest, les expansionnistes canadiens entreprennent des expéditions scientifiques pour dresser l'inventaire des richesses naturelles abondantes qui semblent attendre d'être exploitées par les Européens. Comme il fallait s'y attendre, ces explorations amènent ceux qui y participent à brosser le portrait d'un pays offrant des promesses illimitées.

 

Le passage du Nord-Ouest

Peu après la découverte du Nouveau Monde, les grands cartographes d'Europe, comme Sebastian Munster, prédisent qu'il ne s'agit que d'une étroite bande de terre. Quand ils se rendent compte de l'énorme distance qui sépare en réalité les deux continents, les aventuriers européens du dix-septième siècle se mettent à chercher une voie navigable par laquelle ils pourraient contourner ou franchir ce grand obstacle. Le passage du Nord-Ouest devient l'un des plus grands rêves géographiques de tous les temps, un Saint-Graal dans la quête par les Européens des richesses incalculables de Cathay.

 

Hémisphère Ouest 1540. Lorsque cette carte est publiée pour la première fois par le cartographe allemand Sebastian Munster en 1540, les cartographes européens pensent que l'hémisphère Ouest récemment découvert n'est guère plus qu'une étroite bande de terre.

Contrairement à l'opinion répandue aujourd'hui, ni Christophe Colomb ni aucun de ses contemporains instruits ne croient que la Terre est plate. L'historien Jeffrey Russell affirme que le mythe de la Terre plate a été en grande partie inventé par des écrivains du début du XIXe siècle, Washington Irving et Antoine-Jean Letronne en particulier, et que ce mythe sont malheureusement restés dans la littérature la plus populaire.

Avant Colomb, on envisage de partir de l'Europe vers l'ouest pour atteindre l'Asie, mais on n'entreprend jamais ce voyage, car on estime que la distance entre les deux continents est trop grande pour les navires de haute mer de l'époque. Il est important de souligner que les navigateurs européens ne disposent des moyens pour mesurer précisément les distances est-ouest, ou la longitude, que trois siècles plus tard. On permet toutefois à Colomb de tenter un tel voyage parce qu'il a mis au point un nouvel ensemble de calculs qui réduisent grandement les dimensions de la mer de l'Ouest.

Peu après la découverte du Nouveau Monde, les cartographes européens du début du XVIe siècle représentent les Amériques comme une étroite bande de terre dans l'espace occupé par l'océan. Le Nouveau Monde apparaît ainsi miraculeusement proche des trésors de l'Orient (Cathay) et le Japon (Zipangri) semble tout près de la côte de la Californie.

 

Pendant que les Anglais concentrent davantage dans le nord leur recherche du passage du Nord-Ouest, ce sont principalement les Français qui explorent l'intérieur de l'Ouest canadien au début du dix-huitième siècle. Deux grands facteurs motivent leur progression vers l'ouest : leur désir de contrôler le flux des fourrures en direction nord vers les postes de traite des Anglais à la baie d'Hudson et leur recherche permanente d'une voie navigable intérieure qui, croit-on, mène au Pacifique.

Samuel de Champlain est le premier à croire à la mer intérieure. Au moment où il explore le secteur supérieur des Grands Lacs, il rencontre par hasard des Autochtones qui lui parlent d'une grande mer intérieure s'étendant au sud et à l'ouest de la baie d'Hudson et dont les eaux glacées recouvrent une bonne partie des Prairies canadiennes.

 

Nouvelle-France 1632, par Samuel de Champlain. Champlain intègre pour la première fois l'Océan glacial à sa carte de la Nouvelle-France en 1616 et l'ajoute plus tard dans sa carte de 1632. Les Français sont si convaincus de l'existence du passage du Nord-Ouest que celui-ci continue à faire partie de leur tradition cartographique nord-américaine pendant les 150 années qui suivent.

Certains historiens modernes se demandent si les explorateurs du Nouveau Monde croyaient vraiment qu'il était possible d'emprunter un itinéraire uniquement maritime pour se rendre en Asie. Une chose est certaine, cependant : les épices et les soies d'Orient garantissaient des rendements plus élevés que tout ce que le Nouveau Monde pouvait offrir, y compris son commerce des fourrures qui commençait à peine. Par conséquent, si l'appât du gain n'avait pas incité les Européens à explorer l'intérieur du continent nord-américain à la recherche du passage du Nord-Ouest, il aurait été presque impossible d'obtenir des appuis financiers pour réaliser des expéditions dans la terra incognita du Canada.

En intégrant les eaux intérieures du passage du Nord-Ouest à leurs cartes, les Français se couvraient également. Si un autre pays européen découvrait ultérieurement un Océan glacial, la France pourrait formuler certaines revendications au sujet du passage du fait que des cartographes français avaient déjà porté sur des cartes cette caractéristique géographique.

Il n'est donc pas surprenant que le grand explorateur et homme d'État Samuel de Champlain essaie de profiter au maximum de tout élément naturel qui suggère un passage maritime à travers le continent. Dès 1601, par exemple, Champlain promet à ses bienfaiteurs en France que le fleuve Saint-Laurent offrira de grandes possibilités. « Par cette voie, prédit-il, nous pourrons aller à Cathay... Nous pourrons faire le voyage en un mois ou en six semaines sans difficulté. » Quand ce scénario se révèle trop optimiste, Champlain déplace simplement le passage du Nord-Ouest plus à l'ouest, au-delà de l'horizon, jusqu'à une autre voie navigable.

 

Après le décès de Champlain, les Français ne reprennent la recherche de la mer de l'Ouest qu'à la fin des années 1720, quand le sieur de La Vérendrye assume le commandement des établissements français de Kaministikwia, de Nipigon et de Michipicoten. L'intérêt de La Vérendrye est centré sur la chaîne de lacs et de rivières située à l'ouest du lac Supérieur, aujourd'hui appelée le lac des Bois. Les Autochtones de cette région lui parlent d'une rivière qui s'écoule franc ouest jusqu'à un grand lac intérieur baptisé lac Ouinipique. Un autre gros cours d'eau sort soi-disant de ce lac et se déverse dans un vaste océan. La Vérendrye en conclut que cet océan est le Pacifique et le cartographe Philippe Buache prédit que le cours d'eau en question se jette finalement quelque part au nord de la Californie.

Les idées les plus fantaisistes que les Européens se font au sujet du passage du Nord-Ouest reposent cependant sur les récits des voyages de l'amiral espagnol de Fonte, qui aurait remonté la côte ouest des Amériques en 1640. De Fonte dit avoir trouvé un passage à 52 degrés nord (près de ce qui est aujourd'hui Prince Rupert). L'Espagne rejette ses allégations, mais les Anglais et les Français les prennent au sérieux et intègrent volontiers ses descriptions inventées à leurs cartes géographiques.

 

Une carte d'Auchagah dépeint un étirement de lacs et de rivières qui relient le lac Supérieur au lac Winnipeg (Ouinipigon). Une rivière mythique coule du lac Winnipeg franc ouest jusqu'aux Rocheuses. Étant donné que la carte d'Auchagah passe par de nombreuses mains avant d'être finalement intégrée à la carte de l'Amérique du Nord réalisée par Bellin, il est difficile de dire dans quelles proportions cette rivière mythique est le fruit des connaissances du territoire de l'Ouest acquises par Auchagah et le résultat de la détermination des Français à trouver le passage du Nord-Ouest.

La Vérendrye et ses quatre fils consacrent une grande partie de leur vie à chercher en vain cet itinéraire magique. Leur quête les amène finalement à portée de vue des Black Hills du Dakota. On pourrait croire que le fait de ne pas avoir trouvé la mystérieuse mer de l'Ouest aurait dissipé les rumeurs de son existence. Au contraire, les cartographes français déplacent simplement cette mer plus à l'ouest et la situent de l'autre côté des Rocheuses.

 

La traite des fourrures

Malgré sa charte royale, la Compagnie de la Baie d'Hudson ne jouit pas de droits illimités de traite des fourrures sur les terres de sa compétence. Avant 1763, la lutte de la compagnie contre les Français pour le contrôle de la traite sur les côtes de la baie d'Hudson et de la baie James entraîne une série d'engagements navals et terrestres. Après la chute de la Nouvelle-France en 1759 et la signature du Traité de Paris en 1763, le défi que représentent les Français est éliminé, mais il est remplacé par un autre encore plus grand : la présence de la Compagnie du Nord-Ouest, établie à Montréal.

 

La Compagnie du Nord-Ouest, créée en 1787 à la suite d'une fusion de plusieurs négociants en fourrures indépendants de Montréal, contrôle la traite dans l'Ouest pendant plusieurs années, à la grande déception de sa grande rivale, la Compagnie de la Baie d'Hudson. Avec son réseau de postes s'étirant jusqu'à l'océan Pacifique, la Compagnie du Nord-Ouest jette les bases du peuplement de la région. Accumulant les richesses en échangeant les matières premières de l'Ouest contre des biens importés et transformés produits dans les villes du centre du Canada, cette entreprise commerciale connaît un franc succès.

 

La traite des fourrures dépend cependant beaucoup plus des efforts des voyageurs, des engagés et des hivernants qui s'aventurent dans l'Ouest. On dit que la traite dans l'Ouest s'est littéralement développée sur le dos des voyageurs. Ces hommes, des Canadiens français, des Métis de langues anglaise et française et des Indiens, travaillent pendant de longues heures pour de faibles salaires, transportant des biens sur des milliers de kilomètres et passant l'hiver dans un territoire désolé, peu connu et parfois hostile. Peu à peu, cela devient un mode de vie, si bien que les négociants en fourrures prennent racine, établissent des relations avec des Indiennes ou des Métisses et les épousent souvent « à la façon du pays ». Contrairement à la Compagnie du Nord-Ouest, la Compagnie de la Baie d'Hudson a pour politique d'encourager les relations mixtes pour des raisons commerciales. La Compagnie de la Baie d'Hudson considère non seulement que ces Indiennes et ces Métisses peuvent mettre la main à la pâte, mais aussi que les liens familiaux et tribaux qu'elles permettent de créer adoucissent les relations entre négociants en fourrures et Indiens. Ces « intermédiaires féminines » voient souvent leur prestige, leur pouvoir politique et leur sécurité personnelle s'accroître en raison de leur liaison avec des négociants en fourrures européens. Même si la Compagnie de la Baie d'Hudson s'intéresse uniquement au commerce des fourrures et aux profits, des facteurs plus personnels dictent souvent les relations entre les négociants européens et les femmes autochtones.

 

Pendant que la Compagnie du Nord-Ouest connaît beaucoup de succès en pénétrant plus loin à l'intérieur du pays et en y construisant des postes de traite, la Compagnie de la Baie d'Hudson continue à axer ses efforts sur ses postes de l'intérieur situés le long des réseaux fluviaux de la Rouge, de l'Assiniboine et de la Saskatchewan. Il y a parfois, à quelques kilomètres de distance les uns des autres, des postes qui appartiennent à la Compagnie du Nord-Ouest, à la Compagnie de la Baie d'Hudson et à un négociant en fourrures indépendant (souvent américain). Fait intéressant, il est courant pour les deux grandes compagnies de construire des postes clés à proximité l'un de l'autre et de se faire concurrence pour obtenir la « pratique » des Indiens. Ce dédoublement ne fait toutefois que réduire les profits des deux compagnies.

 

La fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe sont l'âge d'or de la Compagnie du Nord-Ouest. Après les voyages d'exploration d'Alexander Mackenzie, de Simon Fraser et de David Thompson, les régions qui sont aujourd'hui l'ouest de l'Alberta et la Colombie-Britannique sont mieux connues, et les cartes des réseaux fluviaux, des lacs et des montagnes, plus fiables. À son tour, la Compagnie du Nord-Ouest se développe davantage vers l'ouest, y établissant de plus en plus de postes. Avec plus de 1 500 agents, commis et manœuvres, elle devient une organisation efficace. Elle accroît ses profits et ses dividendes, souvent au coût de l'exploitation impitoyable et de la quasi-extermination des animaux à fourrure.

 

À l'opposé, durant cette période, la Compagnie de la Baie d'Hudson souffre de l'inflexibilité de son organisation, dont Londres fixe les politiques. Les nombreuses guerres qui opposent la France et la Grande-Bretagne au XVIIIe siècle rendent aussi les marchés européens incertains. La Compagnie de la Baie d'Hudson verse un dividende de 10 p. 100 en 1778, de 8 p. 100 en 1779, et n'en paye aucun entre 1783 et 1785. Pendant presque 24 ans, les dividendes qu'elle verse atteignent en moyenne 4 p. 100. La compagnie possède une organisation stable et une longue expérience de la traite des fourrures, ce qui n'est toutefois pas suffisant pour résister aux pressions exercées par la Compagnie du Nord-Ouest; elle en arrive donc en 1821 à trouver avec cette dernière un modus vivendi, qui mène à la fusion des deux rivales.

 

Les deux entreprises commerciales étendent audacieusement leur empire de la traite des fourrures au-delà de la Terre de Rupert jusqu'au versant du Pacifique et aux bassins hydrographiques de l'Athabasca et du Mackenzie. Leur intense rivalité économique mène parfois à la violence, comme le prouve l'incident sanglant survenu à Seven Oaks. Le quasi-effondrement économique des deux entreprises entraîne leur fusion en 1821, ce qui rétablit temporairement la paix au sein de l'empire commercial des fourrures dans l'Ouest.

 

Au milieu de cette violence, Thomas Douglas, le 5e comte de Selkirk, obtient de la Compagnie de la Baie d'Hudson qu'elle lui concède des terres d'une superficie de 116 000 milles carrés (300 400 kilomètres carrés, ou cinq fois la taille de l'Écosse) à la jonction des rivières Rouge et Assiniboine (aujourd'hui le centre-ville de Winnipeg). Selkirk, qui veut créer une communauté agricole autosuffisante, peuple sa concession de familles chassées de l'Écosse et de la Suisse. Malheureusement, les sauterelles, les inondations, l'hiver et la mauvaise gestion de la Compagnie de la Baie d'Hudson limitent l'utilité de la colonie et opposent souvent les colons de Selkirk aux résidents de la vallée de la rivière Rouge, qui y sont depuis longtemps établis, en particulier les Métis libres-échangistes et les employés de la Compagnie du Nord-Ouest.

 

 

En 1817, le comte de Selkirk, à la recherche de pionniers armés pour sa colonie, recrute des anciens combattants du régiment d'infanterie suisse de De Meuron, régiment qui a été démantelé après la Guerre de 1812. Quelques années plus tard, il envoie un officier suisse de ce régiment, le capitaine Rudolph von May, recruter d'autres colons helvétiques. Peter Rindisbacher et sa famille font partie de ce groupe. Les 157 immigrants suisses, qui se mettent en route en 1821, se rendent d'abord à York Factory, puis suivent par voie de terre des itinéraires commerciaux qui mènent à la rivière Rouge, où ils s'attendent à trouver une région aux généreuses conditions agricoles et au climat tempéré. Ils doivent faire face à bien des difficultés au cours de leur voyage et surmonter des épreuves incroyables une fois arrivés dans la colonie de Selkirk. Après quelques années, la plupart des pionniers suisses, y compris la famille Rindisbacher, immigrent aux États-Unis à la recherche de conditions de vie plus favorables. Peter Rindisbacher devient un artiste connu dans la colonie de la rivière Rouge, si bien que des pionniers et des dirigeants de la Compagnie de la Baie d'Hudson lui commandent des copies de ses œuvres.

 

 

De plus en plus critiquée en raison de sa mauvaise gestion de la Terre de Rupert, la Compagnie de la Baie d'Hudson accepte la visite dans le Nord-Ouest du peintre torontois Paul Kane. En visitant la Terre de Rupert, à l'invitation de la compagnie, Kane peint les paysages et les indigènes qui y habitent. Ses tableaux célèbrent l'idée du « noble sauvage » et confirment visuellement que cette terre inhospitalière se prête peu à l'établissement des Européens.

 

La découverte d'or dans le sud de la partie continentale de la Colombie-Britannique et le fait qu'on se rend de plus en plus compte que la Compagnie de la Baie d'Hudson ne veut pas qu'on intègre ses territoires à l'Empire britannique poussent la Chambre des communes de Grande-Bretagne à créer, en 1857, un comité spécial pour étudier les privilèges commerciaux de l'entreprise. Cette dernière affirme au comité qu'« aucune partie des territoires... n'est bien adaptée au peuplement à une époque où les résultats des expéditions à la Terre de Rupert, financées par les Britanniques et les Canadiens, démontrent le contraire. Le comité recommande la cession, tout au moins en partie, du territoire au Canada. Tout est dorénavant prêt pour le transfert de la Terre de Rupert et l'expansion vers l'ouest du Canada.

 

La traite des fourrures

Malgré sa charte royale, la Compagnie de la Baie d'Hudson ne jouit pas de droits illimités de traite des fourrures sur les terres de sa compétence. Avant 1763, la lutte de la compagnie contre les Français pour le contrôle de la traite sur les côtes de la baie d'Hudson et de la baie James entraîne une série d'engagements navals et terrestres. Après la chute de la Nouvelle-France en 1759 et la signature du Traité de Paris en 1763, le défi que représentent les Français est éliminé, mais il est remplacé par un autre encore plus grand : la présence de la Compagnie du Nord-Ouest, établie à Montréal.

 

Les deux entreprises commerciales étendent audacieusement leur empire de la traite des fourrures au-delà de la Terre de Rupert jusqu'au versant du Pacifique et aux bassins hydrographiques de l'Athabasca et du Mackenzie. Leur intense rivalité économique mène parfois à la violence, comme le prouve l'incident sanglant survenu à Seven Oaks. Le quasi-effondrement économique des deux entreprises entraîne leur fusion en 1821, ce qui rétablit temporairement la paix au sein de l'empire commercial des fourrures dans l'Ouest.

 

Au milieu de cette violence, Thomas Douglas, le 5e comte de Selkirk, obtient de la Compagnie de la Baie d'Hudson qu'elle lui concède des terres d'une superficie de 116 000 milles carrés (300 400 kilomètres carrés, ou cinq fois la taille de l'Écosse) à la jonction des rivières Rouge et Assiniboine (aujourd'hui le centre-ville de Winnipeg). Selkirk, qui veut créer une communauté agricole autosuffisante, peuple sa concession de familles chassées de l'Écosse et de la Suisse. Malheureusement, les sauterelles, les inondations, l'hiver et la mauvaise gestion de la Compagnie de la Baie d'Hudson limitent l'utilité de la colonie et opposent souvent les colons de Selkirk aux résidents de la vallée de la rivière Rouge, qui y sont depuis longtemps établis, en particulier les Métis libres-échangistes et les employés de la Compagnie du Nord-Ouest.

 

De plus en plus critiquée en raison de sa mauvaise gestion de la Terre de Rupert, la Compagnie de la Baie d'Hudson accepte la visite dans le Nord-Ouest du peintre torontois Paul Kane. En visitant la Terre de Rupert, à l'invitation de la compagnie, Kane peint les paysages et les indigènes qui y habitent. Ses tableaux célèbrent l'idée du « noble sauvage » et confirment visuellement que cette terre inhospitalière se prête peu à l'établissement des Européens.

 

La découverte d'or dans le sud de la partie continentale de la Colombie-Britannique et le fait qu'on se rend de plus en plus compte que la Compagnie de la Baie d'Hudson ne veut pas qu'on intègre ses territoires à l'Empire britannique poussent la Chambre des communes de Grande-Bretagne à créer, en 1857, un comité spécial pour étudier les privilèges commerciaux de l'entreprise. Cette dernière affirme au comité qu'« aucune partie des territoires... n'est bien adaptée au peuplement » à une époque où les résultats des expéditions à la Terre de Rupert, financées par les Britanniques et les Canadiens, démontrent le contraire. Le comité recommande la cession, tout au moins en partie, du territoire au Canada. Tout est dorénavant prêt pour le transfert de la Terre de Rupert et l'expansion vers l'ouest du Canada.

 

Les expéditions scientifiques

Pendant tout le XIXe siècle, on accumule lentement des connaissances sur le Nord-Ouest à partir de levés topographiques de l'armée et auprès de voyageurs, de personnes dévouées à une cause morale et de représentants d'intérêts commerciaux. Vers le milieu du siècle, des pressions croissantes exercées en Grande-Bretagne, aux États-Unis et dans l'est du Canada pour qu'on en apprenne davantage sur l'intérieur du continent donnent lieu à deux grandes expéditions scientifiques, l'une et l'autre bien plus systématiques et plus poussées que toutes celles réalisées antérieurement.

Les participants à la première expédition, financée par les Britanniques et commandée par le capitaine John Palliser et le docteur James Hector, arrivent à Fort William (aujourd'hui Thunder Bay) à la mi-juin 1857. L'expédition Palliser, opération à la fois civile et militaire, permet de faire une étude de toute la région s'étendant du lac Supérieur aux Rocheuses, et dure trois ans.

 

Les participants à la seconde expédition, financée par le Canada, débarquent sur la rive nord-ouest du lac Supérieur environ six semaines après Palliser. Il s'agit d'une expédition strictement civile dirigée par Henry Youle Hind, professeur de chimie au Trinity College, à Toronto, et par Simon James Dawson, ingénieur civil du Québec. La première année, l'expédition se consacre à une étude de la région située entre le lac Supérieur et la rivière Rouge (l'expédition de la rivière Rouge) et l'année suivante, de celle située entre la rivière Rouge et la rivière Saskatchewan Sud (l'expédition de l'Assiniboine et de la Saskatchewan), et détermine « le meilleur itinéraire pour établir facilement la communication dans tout le territoire britannique ».

 

Les participants aux deux expéditions communiquent leurs observations sur des cartes géographiques et dans des rapports et, pour ce qui est de l'expédition de Hind, au moyen d'œuvres d'art et de photographies. Ces deux expéditions amorcent le long processus qui va finalement transformer la perception qu'ont les Européens de l'Ouest : ce paysage à la fois désolé et isolé se change peu à peu en un paradis intouché, plein de promesses.

 

Les cultures

Après plusieurs années de négociations, la Compagnie de la Baie d'Hudson accepte finalement de céder son monopole sur la Terre de Rupert au Dominion du Canada. Elle reçoit en retour une indemnité financière comptant de 300 000 livres sterling, 5 p. 100 de la zone fertile définie par Hind et Palliser (environ 7 millions d'acres) et une certaine superficie de terre autour de chacun de ses postes de traite (50 000 acres additionnels approximativement). Le transfert de la Terre de Rupert est fixé au 1er décembre 1869. Malheureusement, personne ne pense à consulter les résidants de la vallée de la rivière Rouge lors des négociations. Les gouvernements canadien et britannique et la Compagnie de la Baie d'Hudson se comportent comme si le transfert de la Terre de Rupert était inévitable.

 

Quand les nouvelles de ce transfert imminent arrivent dans la vallée de la rivière Rouge, à l'été 1869, ses résidants métis sont furieux. Ils exigent immédiatement que le gouvernement canadien mette un terme à la construction de la route Dawson et à l'arpentage des terres concédées dans la région. Ils arrêtent un petit groupe de partisans de l'annexion (dont un, Thomas Scott, sera exécuté) et élisent un gouvernement provisoire. Ces événements sont d'abord suivis d'une guerre d'écrits. Les Métis de la rivière Rouge et le représentant du Canada, William McDougall se met à publier des proclamations et des déclarations, chaque partie tentant d'inciter la population à se ranger dans son camp.

Comme Louis Riel et son gouvernement provisoire se montrent peu disposés à renoncer à leurs terres, le gouvernement canadien se voit obligé de négocier un second ensemble de modalités de transfert, mais cette fois avec la population de la vallée de la rivière Rouge. Ces modalités garantissent la création de la province du Manitoba, la reconnaissance des titres de biens-fonds des Métis, la mise en réserve de 1,4 million d'acres de terrain pour les générations métisses à venir et l'octroi d'une amnistie totale aux participants à la rébellion. On doit aussi indemniser la minorité de langue anglaise de la vallée de la rivière Rouge pour les pertes qu'elle a subies.

Le transfert de la Terre de Rupert et la création de la petite « province grande comme un timbre-poste » qu'est le Manitoba (dont la taille correspond à la moitié environ de celle des terres qui ont été concédées à Lord Selkirk par la Compagnie de la Baie d'Hudson un demi-siècle plus tôt) entrent en vigueur le 15 juillet 1870. Une force militaire de 400 réguliers britanniques et de 800 miliciens ontariens et québécois, sous le commandement du colonel Garnet Wolseley, arrive au « Manitoba » environ cinq semaines plus tard, pour veiller à ce que le passage de la Terre de Rupert au statut de province se fasse sans autre incident. C'est la première fois que le jeune Dominion du Canada rassemble son armée, événement qui est largement célébré à l'époque dans la presse populaire.

 

 

L’INTÉGRÉ L’OUEST AU CANADA

 

Les revendications des Autochtones

Par suite du précédent créé en 1763 par une Proclamation du roi George III, le gouvernement du Canada commence à conclure des traités avec les Premières Nations des Prairies durant l'année qui suit l'annexion de la Terre de Rupert. Le gouvernement fédéral amorce ce processus, non pour donner une patrie aux Premières Nations, mais pour ouvrir la voie à l'agriculture commerciale. Afin de distinguer les traités postérieurs à 1867 des traités signés plus tôt dans l'Est, on attribue un numéro (plutôt qu'un nom) aux traités de l'Ouest, appelés « traités numérotés ».

 

De 1867 au début des années 1900, le gouvernement fédéral amorce le long processus de préparation des « meilleures nouvelles terres de l'Ouest » en vue d'une immigration européenne massive et, ce faisant, confère à l'Ouest canadien son identité propre.

 

Une fois la Rébellion de la rivière Rouge réprimée, le gouvernement du Canada se charge de la tâche encore plus difficile de doter l'Ouest d'une identité « canadienne ». Dès l'adhésion de cette région à la Confédération avec le transfert de la Terre de Rupert, Ottawa prévoit une colonisation ordonnée de l'Ouest sous le contrôle direct de l'administration fédérale. Il faut régler les revendications des Autochtones, faire l'arpentage des lots de colonisation, construire un réseau de transport et implanter solidement un système de maintien de l'ordre avant l'arrivée en masse d'immigrants européens et américains. Le processus de colonisation doit être entièrement administré par un nouvel organisme gouvernemental, le ministère de l'Intérieur, qui est dirigé, au début, par le premier ministre John A. Macdonald.

 

Détail intéressant, durant le processus de colonisation, le gouvernement fédéral - tant conservateur que libéral - ne met jamais en place de mécanisme permettant à l'Ouest de passer graduellement d'une administration territoriale contrôlée par Ottawa à une administration provinciale sous contrôle local. Selon l'historien John Thompson, le gouvernement fédéral ne veut aucune ingérence locale gênante dans son projet de canadianisation des Prairies.

 

Les revendications des Autochtones

Par suite du précédent créé en 1763 par une Proclamation du roi George III, le gouvernement du Canada commence à conclure des traités avec les Premières Nations des Prairies durant l'année qui suit l'annexion de la Terre de Rupert. Le gouvernement fédéral amorce ce processus, non pour donner une patrie aux Premières Nations, mais pour ouvrir la voie à l'agriculture commerciale. Afin de distinguer les traités postérieurs à 1867 des traités signés plus tôt dans l'Est, on attribue un numéro (plutôt qu'un nom) aux traités de l'Ouest, appelés « traités numérotés ».

 

La cérémonie de signature d'un traité est une manifestation fastueuse durant laquelle les représentants de la Couronne remettent aux chefs et aux dirigeants de petites quantités de nourriture, de tabac et d'argent, en plus de médailles de traité, d'uniformes et de drapeaux. Bien que les cérémonies et les insignes varient d'un traité à l'autre, un principe reste constant : en échange de leur « titre indien » sur le territoire, les bandes reçoivent des terres de réserve que la Couronne conserve pour leur utilisation exclusive.

 

 

La Couronne procède de manière très différente pour l'extinction du « titre indien » des Métis. Au lieu de recevoir des terres de réserve, les chefs de famille métis et leurs enfants obtiennent une concession de terre unique ou un certificat d'argent. En théorie, celui-ci ne peut servir qu'à acquérir des terres répertoriées dans un bureau fédéral des terres pouvant faire l'objet d'une inscription. En pratique, un marché de certificats se développe dans l'Ouest — un marché noir auquel beaucoup d'institutions financières de l'Ouest participent activement. Des certificats de Métis sont vendus pour une somme très inférieure à leur valeur nominale (aussi peu que 20 p. 100) à des agents, qui les revendent à profit aux immigrants. À l'issue de ce processus, les Métis se retrouvent sans terre ni assise communautaire.

 

L'éducation est l'une des principales responsabilités assumées par les fonctionnaires fédéraux relativement à l'administration des affaires indiennes. Dans certains cas, les Premières Nations demandent que la création d'écoles soit prévue dans leurs traités. Les premières écoles indiennes sont établies dans les Prairies en 1883. Par la suite, le gouvernement fédéral et les églises chrétiennes créent un réseau de pensionnats, où les idéaux canadiens et le christianisme sont enseignés aux jeunes sans ingérence de la part de leur famille ni de leur collectivité. En tant qu'agents d'intégration sociale, ces pensionnats sont un échec; à titre d'agents d'apprentissage, ils n'ont pas beaucoup plus de succès; comme agents de génocide culturel, ils remportent un succès phénoménal.

 

Les écoles industrielles dirigées par le gouvernement et les pensionnats subventionnés par l'État et administrés par les Églises catholique, anglicane, méthodiste et presbytérienne jouent un rôle important dans la vie des enfants indiens. En retirant les enfants de leur foyer, les écoles espèrent les assimiler, les intégrer dans la société « civilisée » blanche et leur fournir une éducation à la canadienne. Cette photographie est tirée d'un album de photos de pensionnats qui existaient en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba au début du vingtième siècle. La tenue des élèves montre clairement les effets du processus d'assimilation.

 

Les écoles industrielles dirigées par le gouvernement et les pensionnats subventionnés par l'État et administrés par les Églises catholique, anglicane, méthodiste et presbytérienne jouent un rôle important dans la vie des enfants indiens. En retirant les enfants de leur foyer, les écoles espèrent les assimiler, les intégrer dans la société « civilisée » blanche et leur fournir une éducation à la canadienne. Cette photographie est tirée d'un album de photos de pensionnats qui existaient en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba au début du vingtième siècle. La tenue des élèves montre clairement les effets du processus d'assimilation.

 

Les écoles industrielles dirigées par le gouvernement et les pensionnats subventionnés par l'État et administrés par les Églises catholique, anglicane, méthodiste et presbytérienne jouent un rôle important dans la vie des enfants indiens. En retirant les enfants de leur foyer, les écoles espèrent les assimiler, les intégrer dans la société « civilisée » blanche et leur fournir une éducation à la canadienne. Cette photographie est tirée d'un album de photos de pensionnats qui existaient en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba au début du vingtième siècle. La tenue des élèves montre clairement les effets du processus d'assimilation.

 

 

Avant qu'une colonisation à grande échelle puisse débuter, il faut régler la question de l'emplacement de la frontière (un levé effectué plus tôt par les Américains semble indiquer que la frontière a été mal délimitée à Pembina). Afin d'éviter un conflit, la Grande-Bretagne et les États-Unis nomment une commission mixte chargée d'arpenter et de marquer le 49e parallèle, depuis l'angle nord-ouest du lac des Bois jusqu'au pied des Rocheuses. Cette commission se compose principalement d'un détachement de 44 membres des Royal Engineers, qui comprend quatre photographes qualifiés. Le rapport final des commissaires renferme 195 de leurs photos, qui montrent non seulement les arpenteurs au travail, mais également le territoire qu'ils ont parcouru et les gens qu'ils ont rencontrés.

 

La deuxième tâche administrative dont le gouvernement se charge consiste à mettre en place un mécanisme de surveillance et de protection de la frontière. Le premier ministre John A. Macdonald réfléchit avec beaucoup de soin à la manière dont un tel service de police doit être organisé et, après le massacre des collines du Cyprès, crée la Police à cheval du Nord-Ouest. Celle-ci ne ressemble à aucun autre service de police dans le monde, sauf peut-être à la Royal Irish Constabulary. La Police à cheval du Nord-Ouest présente une combinaison unique d'éléments caractéristiques des corps policiers et des forces armées du dix-neuvième siècle. Son épuisante marche vers l'Ouest le long de la frontière, en 1873, l'a gravée à tout jamais dans l'imaginaire des Canadiens.

La troisième tâche consiste à dresser un inventaire systématique des ressources naturelles de la région. La Commission géologique du Canada hérite de la majeure partie de cette responsabilité et, dans la tradition de Palliser et Hind, entreprend de laisser un héritage allant au-delà d'un simple inventaire de roches et de strates. L'environnement sous toutes ses facettes, avec ses cultures, devient le laboratoire de la Commission.

La dernière tâche à accomplir est la création d'un programme d'arpentage qui divisera la région en cantons selon une configuration en damier unique, devenue synonyme de l'agriculture dans les Prairies. Ce système d'arpentage est éventuellement appliqué à 200 millions d'acres et constitue la plus grande grille de levés au monde tracée suivant un seul système intégré. Il mène à la création de plus de 1,25 million de lots de colonisation.

 

Pendant qu'il se prépare à accomplir ces tâches, le gouvernement se retrouve encore aux prises avec les Métis et les Premières Nations, mais, cette fois, sur les rives de la rivière Saskatchewan Sud, à Batoche. Une industrie des médias naissante permet aux gens de l'Est de suivre cette affaire de près. Une fois la Rébellion du Nord-Ouest étouffée, on ne faits preuve d'aucune clémence; les chefs de la rébellion sont systématiquement arrêtés, puis emprisonnés ou exécutés.

 

L'immigration

Par suite de la marginalisation des Premières Nations et des Métis, de la mise en place d'un chemin de fer financé par l'État et de l'arpentage des lots de colonisation, les terres de l'Ouest sont maintenant « ouvertes » à l'agriculture commerciale. Au cours des dix dernières années du dix-neuvième siècle, le gouvernement fédéral lance donc un programme d'immigration qui se traduira éventuellement par la présence, dans l'Ouest canadien, d'un nombre sans précédent de pionniers blancs.

 

Grâce à une campagne de propagande énergique, Clifford Sifton espère saturer les États-Unis et l'Europe d'opinions favorables sur l'Ouest canadien. On envoie des agents d'immigration canadiens dans des agglomérations européennes importantes et on paie les frais de voyage de journalistes étrangers afin qu'ils puissent venir voir de leurs propres yeux les « meilleures terres de l'Ouest » et les belles perspectives d'avenir qu'elles offrent.

Le seul objectif de Clifford Sifton consiste à peupler l'Ouest et sa politique est simple : seuls les fermiers sont les bienvenus. Selon lui, l'agriculture est la base de l'économie canadienne et tout le reste dépend du succès de cette activité. À son avis, les meilleurs agriculteurs européens viennent des régions du Nord  -  la Grande-Bretagne, la Scandinavie, l'Europe de l'Ouest et de l'Est  -  tandis que les moins recommandables viennent du Sud. Il a du mépris pour les Européens du Sud, les Italiens en particulier, parce que ces travailleurs migrants préfèrent s'installer dans les agglomérations urbaines plutôt que s'aventurer dans les régions rurales. Cependant, il favorise l'immigration des habitants de l'Europe de l'Est, car il considère les immigrants de cette région comme des personnes travailleuses, dociles et vouées à l'agriculture. « Je pense qu'un paysan costaud vêtu d'un manteau en peau de mouton, qui est né à la campagne, dont les ancêtres sont fermiers depuis dix générations et qui a une femme robuste et une demi-douzaine d'enfants, est un être de bonne qualité », affirme-t-il.

 

Ainsi que l'envisageait le ministre de l'Intérieur, Clifford Sifton, le principal élément moteur de ce programme fédéral est une grande campagne de publicité reposant fortement sur une distribution massive d'affiches et de brochures. Bien que ces documents soient surtout destinés à d'éventuels immigrants de pays anglophones  -  en particulier la Grande-Bretagne et les États-Unis  -  ils sont aussi, à l'occasion, diffusés en français, en allemand, en flamand, en suédois, en finnois, en norvégien et en hollandais. Cette campagne est souvent suivie de près par des bureaux à l'étranger de la Direction de l'immigration et fait appel à des illustrations et à des photographies en combinaison avec les plus récentes technologies (le cinéma à vapeur et la lanterne de projection, par exemple). Tout est orchestré de manière à impressionner le public avec des images accrocheuses montrant un pays moderne et dynamique dont le vaste territoire promet de grandes récompenses. On trouve difficilement une route de campagne en Grande-Bretagne ou une foire commerciale aux États-Unis où le message ne s'est pas rendu.

 

La campagne d'immigration n'est pas laissée entièrement entre les mains du gouvernement fédéral. Beaucoup de communautés locales veulent profiter de la prospérité économique qui résultera de l'arrivée d'un grand nombre d'immigrants. Les chemins de fer prennent, eux aussi, une part active à cette campagne. Ils ont leurs propres concessions de terre et plus ils mettront de temps à vendre l'immense portion de territoire que le gouvernement leur a cédé, plus les actionnaires devront attendre longtemps avant de recevoir leurs dividendes.

 

Les résultats obtenus sont impressionnants. En 1896, dès les débuts du bombardement publicitaire intensif entrepris par le gouvernement fédéral, un nombre respectable de nouveaux venus, soit 17 000, arrivent au Canada. Au bout de trois ans seulement, lorsque le programme bat son plein, ce nombre passe à 45 000, soit presque le triple, et en 1905, ce nombre triple une fois de plus. En tout, Le Canada accueille deux millions de personnes durant la période allant de 1896 jusqu'à la Première Guerre mondiale. Dès 1911, l'Ouest canadien est transformé; on y trouve une population euro-canadienne grandissante, de vastes étendues de blé et d'autres céréales, des agglomérations agricoles prospères et une identité régionale naissante.

 

Le transport

L'arrivée du transport ferroviaire exerce une influence déterminante sur l'établissement d'immigrants européens dans l'Ouest canadien et, de façon plus générale, sur les efforts en vue de bâtir le pays. Les chemins de fer font partie intégrante du développement de l'Ouest, à la fois parce qu'ils relient les communautés des Prairies et parce qu'ils ouvrent des marchés lointains aux produits de l'Ouest. Non seulement ont-ils un impact considérable sur les caractéristiques physiques des collectivités des Prairies  -  l'emprise, la gare et la cour de triage sont des activités centrales autour desquelles gravitent souvent d'autres industries et entreprises communautaires  - , mais ils ont également des retombées sur l'emploi local. Le fait qu'une localité se trouve à proximité des installations ferroviaires peut faire toute la différence entre la prospérité économique et l'inertie (Grouard, en Alberta, en est un exemple typique). Compte tenu de cette réalité, on ne peut s'étonner qu'à l'annonce de la construction imminente d'une voie de chemin de fer, les collectivités de l'Ouest se disputent le privilège de l'accès direct à cette artère d'acier si vitale.

 

La Grande-Bretagne s'intéresse également à la construction du chemin de fer de l'Ouest canadien, mais pour des raisons tout à fait différentes de celles exprimées par les autorités d'Ottawa ou les exploitants agricoles des Prairies. Les rapports rédigés par le ministère de la Guerre de Londres, par exemple, traitent du potentiel d'un chemin de fer transcontinental pour le déplacement des troupes impériales vers des destinations de l'Extrême-Orient.

 

 

 

Les deux compagnies de chemin de fer transcontinentales, Canadian Pacific Railway et Grand Trunk Pacific (dont la fusion ultérieure donnera naissance aux Chemins de fer nationaux du Canada, ou Canadien National), exercent un pouvoir économique considérable dans les Plaines de l'Ouest. Les entreprises effectuent leurs propres travaux d'arpentage, exploitent leurs propres bureaux de l'immigration et embauchent des photographes pour les aider à planifier la construction des lignes, à documenter leurs réalisations techniques et à promouvoir leur image au Canada et à l'étranger.

 

 

Le viaduc ferroviaire de Lethbridge (Alberta) 1910. Canadian Pacific Railway termine la construction du pont sur chevalets de Lethbridge en 1909. S'étirant sur 1,6 kilomètres et d'une hauteur atteignant 314 pieds, il relie les rives escarpées de la rivière Oldman; il s'agit du pont le plus long et le plus élevé du genre en Amérique du Nord. Il symbolise les défis techniques qu'il a fallu relever pour doter l'Ouest canadien d'un service ferroviaire.

 

Bien qu'étant officiellement des compagnies privées, elles sollicitent et reçoivent de généreux incitatifs du gouvernement fédéral sous forme de concessions de terres, d'allégements fiscaux, de capitaux et d'accords sur le tarif-marchandises. La question de savoir si le public bénéficie en retour de services ferroviaires adéquats soulève bien des débats durant des décennies. Néanmoins, le chemin de fer demeure l'un des symboles les plus ancrés dans la culture canadienne. La photo sur laquelle on aperçoit Donald Smith, arborant chapeau haut de forme et barbe blanche, enfoncer le « dernier crampon » devant des travailleurs du rail à Craigellachie, est sans doute l'une des images canadiennes les plus mémorables du dix-neuvième siècle.

 

VIVRE DANS L’OUEST

 

 

Avant les années 1930, une multitude de groupes ethniques très divers réaménagent l'Ouest, avec l'aide du gouvernement fédéral, pour en faire un lieu productif où ils se sentent à l'aise.

 

Au début du vingtième siècle, les Prairies sont bien intégrées au capitalisme industriel. En deux décennies à peine, le mode de vie qui avait existé pendant des siècles est complètement abandonné au profit d'une économie agricole fondée sur la propriété privée et les fermes familiales. Cette nouvelle forme d'économie produit certains résultats spectaculaires. En 1896, par exemple, le blé est cultivé sur 1,26 millions d'acres; à la veille de la Première Guerre mondiale, la superficie de culture de cette céréale atteint 10 millions d'acres, ce qui fait du blé l'une des quatre principales denrées d'exportation du Canada.

 

Cette croissance sans précédent est favorisée en partie par des programmes parrainés par le gouvernement, tels les fermes expérimentales et les projets de travaux publics, qui font progresser la technologie et les infrastructures, rendant ainsi possible le développement urbain et rural dans un environnement inhospitalier.

 

Mais l'aide du gouvernement ne s'arrête pas là. Elle facilite la transformation du paysage de bien d'autres façons. À titre d'exemple, les scientifiques du gouvernement entreprennent le long processus de désignation des réserves naturelles — concept relativement nouveau — ce qui contribue non seulement à protéger les ressources fondamentales de nombreuses industries, mais crée également un environnement favorable à l'industrie touristique naissante. Les scientifiques localisent aussi les gisements houillers et les réserves de pétrole qui stimuleront l'industrialisation et l'urbanisation de la région, ce qui, plus tard au cours du siècle, remettra en question la prédominance de l'économie agricole.

 

Les villes de l'Ouest s'en trouvent profondément transformées. Après 1906, la plupart des nouveaux venus ne sont pas intéressés à exploiter une ferme familiale. Ce sont des « terrassiers », c'est-à-dire des travailleurs non qualifiés, et la majorité d'entre eux se dirigent directement vers des villes comme Winnipeg, Edmonton, Calgary, Regina et Saskatoon, qui font maintenant partie des grands centres urbains du Canada et peuvent se targuer d'offrir une vie culturelle qu'on n'aurait pas crue possible quelques décennies auparavant. Cette vie culturelle, qui deviendra finalement l'âme des écoles de l'Ouest, est déjà à l'époque nourrie par des écrivains et des artistes qui n'hésitent pas à chercher l'inspiration dans le paysage environnant. Plutôt que de créer des œuvres qui correspondent aux goûts des étrangers, les artistes originaires de la région cherchent surtout à accepter l'Ouest pour ce qu'il est.

 

Les militants politiques et sociaux de l'Ouest puisent également leur motivation dans leur collectivité. Ils commencent à diriger les mouvements de défense des droits de leurs provinces afin que celles-ci soient traitées sur un pied d'égalité dans la Confédération. Ainsi débute la longue histoire des protestations de l'Ouest, qui connaîtra de nombreux développements politiques et sociaux.

 

La vie culturelle

Au début du vingtième siècle, l'Ouest canadien possède une identité régionale distincte fondée non seulement sur la réalité géographique des Prairies, mais également sur les centres urbains qui commencent à apparaître. Préoccupés par les maux sociaux qui accompagnent souvent l'urbanisation, les réformateurs des villes de l'Ouest, suivant l'exemple du mouvement City Beautiful qui a pris naissance aux États-Unis et en Europe, s'efforcent de donner aux villes nouvelles comme Winnipeg un environnement humain et urbain agréable.

 

Mais les vastes étendus des Prairies continuent à stimuler l'imagination des artistes de l'Ouest, qui créent un art régional reflétant leur environnement champêtre. La modernité de la vie urbaine suscite la curiosité d'autres artistes, qui conçoivent des attractions destinées aux citadins comme des foires et des spectacles de variétés.

 

Parmi les nombreux groupes immigrants qui s'installent dans l'Ouest et contribuent à définir sa culture et son identité, les Ukrainiens constituent le plus nombreux et le plus influent. Leurs solides liens familiaux, religieux et sociaux favorisent l'établissement d'une double identité ukrainienne-canadienne qui s'étend à l'éducation des enfants. Parfois, les habitants de longue date se sentent menacés par l'évolution de la région vers le multiculturalisme et le multilinguisme, et ils cherchent à remédier à ce qu'ils perçoivent comme une « invasion d'immigrants ». Même les gouvernements des provinces de l'Ouest sont ouvertement ambivalents au sujet de l'arrivée massive d'immigrants au début du vingtième siècle.

 

 

Mais ce qui préoccupe la plupart des nouveaux venus dans l'Ouest, c'est de s'établir avec leur famille dans un nouvel environnement. Le défi est encore plus grand pour ceux qui arrivent seul, en particulier pour les femmes qui désirent s'installer sur une ferme. Ce ne sont pas tous les nouveaux arrivants qui trouvent du travail où réussissent dans l'agriculture et, lors de la crise économique de 1913-1915, le chômage frappe durement les femmes et les hommes.

 

Dès les premières décennies du vingtième siècle, l'Ouest canadien constitue une région et une société distinctes. La nature, les villes et les habitants donnent à l'Ouest une culture originale, qui continuera à se développer au cours des décennies suivantes.

 

 

 

L'urbanisation

Bien qu'on mette généralement l'accent sur le développement de l'agriculture quand on raconte l'histoire de l'Ouest canadien, le développement urbain est également important - au moins le tiers des immigrants qui arrivent dans l'Ouest avant 1914 s'établissent directement dans les centres urbains et cette proportion ira en augmentant au cours du siècle.

 

La croissance urbaine de l'Ouest dépend largement des ressources de l'arrière-pays et de la demande extérieure pour les produits de la région. Elle repose également sur la proximité des villes et des chemins de fer. Une ville qui possède des liens ferroviaires avec les marchés extérieurs a de toute évidence beaucoup plus de chances de succès qu'une ville qui n'en a pas. Pourtant, de nombreuses villes situées sur le parcours des lignes principales de chemins de fer, même celles qui disposent de ressources considérables à exploiter, ne deviennent pas de grandes villes. Dans certains cas, la différence tient au rôle que la promotion agressive a joué dans le développement de la ville. Les promoteurs sont un groupe très uni de fonctionnaires municipaux et de chefs d'entreprise pour qui la fortune personnelle et la prospérité de la collectivité sont synonymes. Ils ont habituellement la même origine ethnique, les mêmes buts, les mêmes priorités, et ils préservent farouchement leur cohésion contre les intrus. Pour cette raison, les promoteurs urbains dominent les processus de prise de décision avec une unité remarquable - une unité qu'on ne verra probablement plus jamais dans la vie politique des Prairies.

 

Les promoteurs sont prêts à parier sur le potentiel d'une collectivité même si elle ne compte que quelques édifices et une seule boutique. Leur persévérance et leur confiance inébranlable dans les répercussions positives de leurs efforts sont souvent les ingrédients magiques qui aident de nombreux centres urbains de l'Ouest à se développer, et dans certains cas à prospérer, alors que d'autres s'étiolent dans la poussière des Prairies.

 

L'aménagement de l'environnement

Le gouvernement fédéral commence à jouer un rôle dans la transformation du territoire des Prairies en une économie plus productive lorsqu'il crée un réseau de stations de recherches agricoles. À partir des deux premières fermes expérimentales mises sur pied par le ministère de l'Agriculture à Indian Head et à Brandon en 1886, le réseau s'étend sans cesse au cours des premières décennies du vingtième siècle et englobe tous les types de sol et les régions climatiques de l'Ouest du Canada.

L'aide du gouvernement fédéral au secteur agricole prend aussi la forme d'd'ouvrages d'irrigation, dont la plupart sont situés dans le sud de l'Alberta où il faut suppléer au manque de pluie pour obtenir une production agricole satisfaisante. Au début, les ouvrages d'irrigation sont l'œuvre des entreprises privées (notamment le Canadien Pacifique et ses sociétés de placement), le gouvernement fédéral se chargeant d'offrir des concessions de terre, de faire les travaux d'arpentage ainsi que des recherches sur l'endiguement de l'eau et l'hydrographie.

Mais la préoccupation croissante du public à l'égard de la perte de vastes étendues de territoire au profit du secteur agricole force le gouvernement fédéral à se servir des pouvoirs que lui confère la Loi des terres fédérales pour établir des réserves destinées à la préservation de la faune et des forêts et pour donner plus d'envergure à son programme de parcs nationaux. Les premiers parcs nationaux de l'Ouest canadien sont concentrés dans les régions montagneuses mais, au début du vingtième siècle, le programme est élargi et inclut bientôt Elk Island (1913), Wood Buffalo (1922), Prince-Albert (1927) et Mont-Riding (1929). Grâce aux efforts de commercialisation combinés de la Direction des parcs nationaux, de la Division des renseignements sur les ressources naturelles et des chemins de fer transcontinentaux, les parcs de l'Ouest deviennent une destination de prédilection pour la fructueuse industrie touristique alors en expansion.

 

Les scientifiques du gouvernement poursuivent également leur travail d'appui aux industries du pétrole et des mines. Les géologues de la Commission géologique du Canada dressent la carte du substrat des Prairies et contribuent à la découverte du premier champ de gaz naturel à Medicine Hat (1904) et du premier champ de pétrole à Turner Valley (1910).

 

Les protestations

L'Alberta et la Saskatchewan, deux provinces des Prairies qui faisaient jusqu'alors partie des Territoires du Nord-Ouest (dont les frontières seront délimitées en 1875), obtiennent le statut de province en 1905. Elles ne peuvent cependant exercer le contrôle sur leurs ressources naturelles avant 1930.

Bien avant de se joindre au Dominion du Canada, l'Ouest éprouve déjà une antipathie profonde pour l'Est, car il croit que ses intérêts n'y sont pas défendus. Avant la Première Guerre mondiale, les habitants de l'Ouest sont généralement méfiants à l'égard du gouvernement fédéral, qui semble favoriser davantage le triangle Ottawa-Montréal-Toronto, plus densément peuplé, que les autres parties du pays. Lorsque, en 1917, le premier ministre Robert Borden accorde aux fermiers de l'Ouest l'exemption du service militaire puis renie sa promesse quelques semaines plus tard, la tradition de protestation de l'Ouest, déjà bien établie, se trouve renforcée.

 

La situation se dégrade avec la crise économique d'après-guerre, qui provoque le mécontentement de la classe ouvrière. L'Ouest est alors mûr pour l'affrontement. La grève générale de Winnipeg de 1919 en est une manifestation éclatante. Les élites urbaines sont très inquiètes, et les militants syndicaux et politiques, dont plusieurs seront arrêtés et emprisonnés pour leur démonstration de solidarité ouvrière, se rassemblent par milliers. Le pasteur méthodiste J.S. Woodsworth, figure au nombre des manifestants. Accusé d'écrits séditieux, il sera incarcéré pendant une courte période. Cette grève sans précédent dans une ville importante de l'Ouest montre que tout ne va pas pour le mieux dans les Prairies.

Partout au Canada, des milliers de travailleurs amassent des fonds, font des manifestations et déclenchent des grèves de solidarité pour manifester leur soutien aux grévistes de Winnipeg, pendant que le premier ministre conservateur Borden et les membres de son Cabinet sont de plus en plus convaincus que la révolution communiste est sur le point d'éclater. Ils croient que les grévistes veulent créer la One Big Union, détruire le syndicalisme horizontal et fomenter la révolution. Les conservateurs fédéraux, de même que les membres du Citizens' Committee of One Thousand, proclament que les troubles sont dûs en bonne partie aux « étrangers », qui devraient être déportés. Par conséquent, le gouvernement fédéral intervient. Le premier ministre Borden autorise la Royale gendarmerie à cheval du Nord-Ouest à arrêter 11 des dirigeants syndicaux à l'aube du 17 juin 1919.

 

Le conflit de Winnipeg n'est cependant qu'une des manifestations du mécontentement de l'Ouest. Pendant et après la Première Guerre mondiale, les réformateurs sociaux de l'Ouest réclament la prohibition et le droit de vote pour les femmes, qui sont pour eux des éléments d'un combat plus général pour que règnent l'ordre et l'égalité au sein de la Confédération canadienne. Entre-temps, les militants politiques, fatigués de la domination des partis de la vieille garde qui ne reconnaissent pas la contribution de l'Ouest à l'économie et à l'administration du Canada, se tournent vers des mouvements de protestation représentés par des tiers partis pour exercer une influence. Un parti dissident est ainsi créé, le Parti progressiste, qui remporte suffisamment de sièges aux élections fédérales de 1921 pour former l'opposition officielle.

Dans les années 1920, on peut dire que l'Ouest possède une identité régionale bien établie, qui se manifestera d'ailleurs d'une façon qui lui est propre dans le cadre des futurs mouvements de protestation politique et sociale. Au cours des années à venir, le reste du Canada devra à coup sûr se réveiller. 


20/01/2013
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